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Quand l’IA est au service de l’eau : Partie I

Quand l’IA est au service de l’eau : Partie I

L’eau, enjeu majeur des villes

Le destin des civilisations semble intimement lié à leur aptitude à maitriser l’eau. Ainsi les aqueducs romains, les jardins arabes (comme ceux de l’Alhambra, qui disposent d’ingénieux systèmes d’irrigation) ou encore les égouts parisiens (conçus par le baron d’Haussmann) illustrent chacun la grandeur d’une époque. Mais avant même d’être source de plaisir, de pouvoir ou de richesse, l’eau est source de vie. Pour autant, sa gestion demeure largement imparfaite. Pire : chaque année, 2,2 millions d’enfants meurent à cause d’une eau insalubre.

Cette denrée, rare et abondante à la fois, constitue donc l’un des enjeux majeurs des villes. Dès lors, comment l’IA peut-elle nous aider à mieux gérer l’eau ? Pour apporter des premiers éléments de réponse à cette question, je suis parti à la rencontre de la startup CANN Forecast à Montréal et de la Station de dépollution des eaux usées de la Baumette à Angers. Cette dernière s’illustre notamment par sa capacité à transformer les eaux usées en de véritables ressources (électricité, engrais) pour le territoire angevin.

De la maintenance prédictive…

Depuis près d’un an, la station de dépollution des eaux usées de la Baumette a recours à de l’IA pour faire de la maintenance prédictive sur ses équipements. Exploitée par Veolia, la station utilise en effet des boitiers connectés, nommés BOB, pour anticiper des défaillances mécaniques. BOB est issu de la rencontre entre la startup Cartesiam et Eolane. Cette technologie a pour particularité d’utiliser une IA embarquée (NanoEdge). Avant d’être opérationnelle, la solution est ainsi soumise à une période d’apprentissage (non supervisé). BOB va écouter pendant près de 7 jour le signal vibratoire de l’équipement qu’il sera amené à surveiller. A la fin de sa phase d’apprentissage, le boitier connecté est en mesure de signaler toute déviance susceptible d’entrainer une panne ou un dysfonctionnement de l’équipement.

 

En plus d’être particulièrement facile à utiliser (BOB se plug sur l’équipement), l solution est peu énergivore (une pile suffit pour l’alimenter pendant 3 ans). La période d’anticipation permise par BOB est d’autant plus importante que la panne d’un équipement peut avoir de terribles conséquences environnementales et économiques pour la station. Par exemple, la panne d’un compresseur d’air pourrait affecter toute la chaine de fonctionnement de la station et entrainer une pollution de la Maine (rivière dans laquelle se déverse les eaux traitées par la station).

De son côté, CANN Forecast utilise une autre branche de l’IA (apprentissage supervisé) pour faire de la maintenance prédictive sur les aqueducs. « A Montréal, comme dans la plupart des grandes villes, les conduits d’eau potables sont en train d’atteindre la fin de leur durée de vie. Or quand un conduit casse, les villes perdent des ressources et de l’argent » (Naysan Saran, Co-fondatrice de CANN Forecast). Le cout de réparation des aqueducs était ainsi de 3 milliards de dollars en Amérique du Nord en 2018. Pour pallier ce problème, CANN Forecast a développé une solution proactive (InfoBris) 5 fois plus précise que les méthodes traditionnelles. La startup, qui travaille déjà avec près de dix villes sur ce sujet (dont Montréal), est en mesure de fournir à ses partenaires une liste d’aqueducs avec la probabilité qu’ils se cassent. Pour ce faire, son système d’IA analyse des données liées à l’historique des bris mais aussi à leurs localisations et aux conditions environnementales. CANN Forecast s’est entouré d’un large écosystème (entre autres le Mila, McGill Université et Environnement Canada) pour concevoir cette solution.

…à la gestion intelligente de l’eau

En plus d’InfoBris, CANN Forecast a également développé InfoBaignade. Cette solution est capable de prévoir, avec 95% de précision, la concentration d’E.coli (mesure utilisée pour déterminer si une eau est baignable) en rivière. « Actuellement la mesure de concentration d’E.coli prend entre 18h et 48h. Dans un milieu dynamique comme le fleuve, la contamination de l’eau peut varier d’un jour à l’autre. Cette méthode est donc inefficace. » (Nicolas St-Gelais, Co-Fondateur de CANN Forecast). En agrégant une dizaine de données (taux de précipitation, débordement, et d’autres variables) la startup montréalaise est ainsi en mesure de proposer un modèle de gestion de l’eau plus intelligent et qui prend en compte le caractère dynamique des fleuves et des rivières.

Plateforme d’InfoBaignade

BOB permet également une gestion optimisée des équipements. La solution offre ainsi la possibilité de surveiller à distance des infrastructures éloignées et de remplacer les inspections périodiques par des interventions ponctuelles et ciblées.

Une intelligence augmentée plutôt qu’artificielle

Il est intéressant de constater que BOB n’envoie pas des données mais des insights via un réseau LoRa. Les utilisateurs du boitier ont donc accès à une plateforme compréhensibles et lisible. Cette lisibilité est essentielle au bon fonctionnement de la solution. Et pour cause, « BOB est un assistant des agents de la station » (Joel Rubino, Co-fondateur de Cartesiam).

Mêmes enjeux chez CANN Forecast : « On essaye de comprendre comment on peut intégrer ça [InfoBris] dans le contexte décisionnel d’une municipalité. » (Nicolas St-Gelais). Chez Cartesiam, comme chez CANN Forecast, il est donc bien question d’augmenter, et non de remplacer, le décisionnaire.

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