L’IA pour optimiser la consommation énergétique des bâtiments
La consommation énergétique des bâtiments est responsable de plus de 30% des émissions de CO2. A New York, ce chiffre s’élève à 70%, faisant ainsi des gratte-ciels la principale source de pollution de la ville. Dès lors, comment l’IA peut-elle nous aider à réduire l’empreinte énergétique des bâtiments ? Pour répondre à ces questions je suis parti à la rencontre de Samuel Nadeau-Piuze – co-fondateur de Maxen Technology, une startup qui utilise de l’IA pour optimiser la consommation énergétique de bâtiments – à Montréal et de David Hsu – Professeur de planification urbaine et environnementale au MIT et chercheur au MIT Energy Initiative – à Cambridge.
Visualiser et comprendre la consommation énergétique d’un bâtiment
« Lorsqu’on arrive dans un immeuble, ses occupants n’ont souvent aucune notion de sa consommation énergétique. Dans un premier temps, notre travail consiste donc à rendre accessible ces informations » (Samuel Nadeau-Piuze). A cet égard, Maxen Technology propose à ses clients une plateforme sur laquelle apparait, en temps réel, la consommation énergétique du bâtiment. L’IA de Maxen Technology offre également la possibilité d’estimer la consommation énergétique de l’immeuble sur du moyen terme et de créer des alertes en cas de consommation anormale (ou de tendance de consommation trop élevée).
David Hsu s’intéresse également à la visualisation des données énergétiques des bâtiments mais d’un autre point de vue : « En 2009, la ville de New York a implémenté des lois [Local Law 84 puis Local Law 87] qui obligent certains bâtiments à rendre public leurs données énergétiques. » Dans le cas de New York, cette démarche est d’autant plus intéressante qu’1% des bâtiments consomment près de 55% de l’énergie de la ville. « J’ai alors analysé l’effet de ce partage de données sur la consommation énergétique des bâtiments. Les résultats que j’ai trouvés ont été assez surprenants : dans les 3 ans qui ont suivi cette réglementation, la consommation énergétique de la ville a diminué de 11% ». Deux phénomènes comportementaux viennent expliquer ce résultat. D’une part, la possibilité de suivre sa propre consommation énergétique entraine un processus d’auto-modération. Par ailleurs, le fait d’avoir accès aux données des autres bâtiments engendre un effet de marché (pour rester compétitif les bâtiments doivent présenter de bonnes performances énergétiques).
La visualisation de ces données ne fait pas intervenir d’IA. En revanche, cette technologie peut être utilisée pour comprendre et modéliser la consommation énergétique de bâtiments. Et pour cause, trop souvent « les bâtiments ne fonctionnent pas de la manière dont on les a designé » (D.H). L’utilisation de données énergétiques pourraient ainsi contribuer à créer des « typologies de bâtiments » (D.H) avec, dans chaque typologie, des exemples à suivre (selon leurs efficacités énergétiques). L’IA permettrait alors d’identifier des patterns et de présenter des exemples contextuels dont pourrait vraiment s’inspirer un immeuble (en fonction des caractéristiques qui lui sont propres).
L’IA au service de bâtiments verts
En 2030, 50% des bâtiments présents sur les sols américains seront issus de construction ayant eu lieu avant les années 2000. Il est donc crucial d’être en mesure d’optimiser ces bâtiments existants (avec des infrastructures parfois vieillissantes). « Par la suite, on souhaite pouvoir optimiser le système de CVC (Chaleur, Ventilation, Climatisation) d’un bâtiment. On estime qu’on pourrait ainsi diminuer de 10% à 20% la consommation énergétique d’un immeuble ». Au-delà d’actions évidentes (mais efficaces) qui peuvent être facilement automatisées (éteindre des lumières, diminuer la climatisation lorsque personne n’est dans la salle, etc.) Maxen Technology espère atteindre cet objectif en agissant sur des données complexes. La startup entraine ainsi son IA à optimiser l’efficacité énergétique d’un bâtiment en prenant en compte des données externes (la météo) et internes (un plateau peut bénéficier de la chaleur produite par l’étage d’en dessous). « On veut ainsi passer d’un modèle réactif [baisser la température quand il fait trop chaud] à un modèle proactif » (S.N-P).
L’IA peut également être utilisée pour augmenter la part d’énergies renouvelables utilisées par les bâtiments. « Au Texas, on peut vous payer, notamment la nuit, pour que vous utilisiez l’énergie éolienne produite » (D.H). Ce phénomène s’explique par un décalage entre l’offre d’énergie vertes et la demande d’énergie. Dès lors, l’IA, en prévoyant les pics de consommation (et de production d’énergies renouvelables) pourrait pallier ce problème. Toujours au Texas « on pourrait imaginer que des objets intelligents se rechargent automatiquement la nuit [ou durant d’autres périodes de pic de production d’énergies vertes et de faible demande d’énergie] » (D.H).
Pour autant, et en dépit de ces possibilités, l’IA est loin d’être une solution miracle. « On aura encore besoin d’énergies non-renouvelables. Ne serait-ce que parce que le vent ne souffle pas toujours et que le soleil ne brille pas à longueur de journées… » (D.H). Si cette technologie peut optimiser des modèles, il est de notre responsabilité de les questionner et d’en imaginer d’autres, plus durables.