L’IA au service de l’architecture organique
L’IA au service de l’architecture organique
L’architecture organique ambitionne de créer des bâtiments et structures qui, par leurs matériaux ou mode de fonctionnement, interagissent avec leur environnement et des individus.
L’un des enjeux de l’architecture organique est de contribuer à créer un meilleur environnement urbain. Il ne s’agit donc plus de considérer la façade d’un bâtiment comme un épiderme mais comme une composante active du climat urbain. A cet égard, Google R+D for the Built Environnement a annoncé une collaboration avec l’architecte Doris Sung pour créer des revêtements capables de filtrer et assainir l’air des villes. En France, la startup Cool Roof a mis au point une peinture réflective qui renvoie 90% des rayons du soleil et lutte ainsi contre les phénomènes d’îlot de chaleur. Enfin, à Los Angeles, DOSU Studio Architecture a élaboré une structure capable de rafraichir l’air extérieur. Dans chacun de ces cas, l’IA peut intervenir à deux niveaux. D’abord dans l’aménagement de ces solutions. Les ilots de chaleur[1] ou la pollution de l’air sont autant de phénomènes qui peuvent être modélisés et localisés par des algorithmes apprenants. Ces informations peuvent donc servir à optimiser l’emplacement de ces architectures organiques afin de maximiser leur efficacité. Par ailleurs, l’IA peut aider le bâtiment à « sentir » son environnement et à réagir en conséquence. Une structure amovible[2] recouverte de peintures réflectives ou de revêtement anti-pollution pourrait être déployée dès qu’une IA anticipe la formation d’ilots de chaleur ou une forte concentration de monoxyde de carbone.
Le principe de l’architecture organique peut également s’appliquer aux infrastructures. A Amsterdam, l’AMS s’est associé avec le MIT Senseable City Lab pour Robaoat, un projet de bateaux autonomes. La particularité de ces bateaux autonomes est qu’ils sont multidirectionnels et qu’ils peuvent se « pluger » entre eux. Ils peuvent donc s’assembler pour créer des ponts ou des structures mobiles sur l’eau. Bien qu’à l’état de prototypage, ces bateaux autonomes ouvrent de nouvelles perspectives. Un pont ou une plateforme pourraient se former spontanément en réponse aux usages des habitants. Dès lors, il devient possible de modifier le paysage urbain en rajoutant des infrastructures éphémères.
Ci-dessus, les bateaux autonomes s’assemblent pour former des structures. Source : Roboat.org
L’autre principe fondamental de l’architecture organique est donc l’interaction avec les individus pour, in fine, les augmenter :
« The most important implication of radically integrating digital systems into architecture will be to refocus technology and the built environment on humans. A living, cybernetic program in spaces of dynamics interaction will make architecture more like an extension of the body-and it is cyborg “tools” that enable the environment to respond. Augmented or “living” architecture is the large-scale hardware that digital-physical cyborgs create, plug into, and interact with.”[3]
L’Architecture organique est donc une réalité « hybride ». La notion d’ « interface » est au cœur de cette hybridation homme-machine-bâti. L’interface donne corps au numérique et matérialise la donnée. C’est le point de rencontre entre « l’atome et le bit »[4].
A Copenhague, Marius Hartmann, Chief Advisor à la Danish Business Authority, a travaillé sur la possibilité d’utiliser des interfaces urbains pour s’orienter dans un bâtiment (ou dans la rue), pour être averti d’un phénomène urgent ou susceptible de nous intéresser et même pour recevoir une notification (un appel, un message,…)[5]. Dans le cadre du Senseable Guide Paris, des étudiants du MIT ont proposé des interfaces pour la Gare de Lyon (Paris). Plusieurs d’entre eux prolongent les réflexions de Marius Hartmann :
L’interface urbaine ouvre également un nouveau champ des possibles. En plus de nous fournir des informations, un bâtiment[6], un arbre[7] ou une statue pourront « témoigner ». Nous raconter leur histoire. Dès lors, la ville tout entière devient une interface. Il ne s’agit donc plus de concentrer l’intelligence et le savoir dans le creux de notre main mais de la diffuser autour du nous pour partir à sa rencontre.
Les dernières décennies se sont évertuées à nous déconnecter de notre environnement pour nous « connecter au monde ». Happé par le smartphone, nous sommes devenus des « smombies »[8]. Certaines villes ont même dû installer des signaux lumineux pour protéger les piétons et les avertir de l’approche de véhicules. En ce sens, l’architecture organique ne se contente pas de nous augmenter, elle transforme notre rapport aux villes et à nous même. Elle nous redonne la possibilité de voir le monde pour connaitre et d’apprécier sa beauté avant agir.
[1]Steven Jige Quand, Florina Dutt, Erik Woodworth, Yoshiki Yamagata, Perry Pei-Ju Yang, Local Climate Zone Mapping for Energy Resilience : A Fine-grained and 3D Approach
[2] Comme le Building Raincoat à Toronto et, prochainement, le Shed à New York.
[3]Carlo Ratti and Matthew Claudel, The City of Tomorrow: Sensors, Networks, Hackers and the Future of Urban Life
[4] Ibid
[5] Interfacing Ambient Intelligence, Marius Hartmann
[6] A Singapour, l’exposition “City Hall : If Walls Could Talk” propose une expérience immersive au sein de de l’Hôtel de Ville pour explorer le passé de la Cité-Etat.
[7]Andy Hudson-Smith, Martin de Jode, Leah Lovett, Duncan Hay, Richard Milton, Lucy Fraser, Internet of Things of trees — Conversational objects via SMS protocols, ouvre la voie à une telle pratique.
[8] Contraction entre le mot Smartphone et Zombie pour désigner un piéton ayant les yeux fixés sur son téléphone et ne faisant pas attention à son environnement.